Faire de la voiture un transport collectif : rencontre avec les fondateurs d’ecov

Associée On Purpose au sein de la promotion d’octobre 2016 à Paris, Nathalie a interviewé les cofondateurs d’ecov, l’entreprise sociale dans laquelle elle a effectué son premier placement. Thomas Matagne et Arnaud Bouffard témoignent de leur engagement entrepreneurial et sociétal.

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D’après Le Mouves : “L’entrepreneuriat social est une manière d’entreprendre qui place l’efficacité économique au service de l’intérêt général. Quel que soit le statut juridique des entreprises (association, coopérative, SAS, …), leurs dirigeants font du profit un moyen, non une fin en soi.

Cette définition raisonne bien, j’ai même envie de dire qu’elle me plaît beaucoup. C’est cette conviction que l’on peut créer de la valeur économique au service d’une mission d’intérêt général qui m’a poussée à postuler au programme Associé On Purpose il y a bientôt un an.

Ok pour la théorie, mais dans la vraie vie ça donne quoi ? En passant 6 mois chez ecov, start-up inscrite dans l’économie sociale et solidaire, j’ai eu l’occasion de confronter ces jolis principes avec la réalité. Et mon bilan est très positif :

  • Un projet qui a du sens avec une finalité environnementale et sociale
  • Un mode de fonctionnement participatif
  • Du pragmatisme pour mettre en place un projet économique viable
  • Des itérations, des essais, quelques erreurs et beaucoup d’apprentissages

Alors j’ai eu envie de vous présenter Thomas et Arnaud, les co-fondateurs d’ecov, en les interrogeant sur leur vision, leurs moteurs et leurs intentions.

                                                             

                                                          http://www.ecov.fr/

Ecov en quelques mots :

Ecov est une start-up inscrite dans l’économie sociale et solidaire (agréée ESUS) qui veut faire de la voiture un transport collectif. Elle développe des services et produits qui permettent de faciliter, sécuriser et institutionnaliser la pratique du covoiturage de proximité.

Bio express

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Thomas, 30 ans, est diplômé de l’Université Pierre et Marie Curie et de Sciences Po Paris, en sciences et politiques de l’environnement. Avant de créer ecov, il a travaillé dans le secteur public à la Région Ile-de-France et au ministère de l’écologie.

En un mot, il se définit comme engagé.






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Arnaud, 30 ans également, est diplômé de Polytechnique. Il a travaillé dans le monde de la transition énergétique, au sein d’un cabinet de conseil spécialisé sur les enjeux climat et énergie pour les collectivités et les entreprises.

En un mot, il se définit comme refusant le statu quo.




- Qu’est-ce qui vous a poussé à entreprendre ce projet ?

AB : Mes convictions environnementales et ce constat : la mobilité automobile telle qu’on la connaît est un héritage d’une période révolue où l’énergie était abondante et la planète semblait sans limite. Nombreuses sont les limites qui ont été identifiées depuis, il y a urgence pour les générations futures de reconcevoir la manière dont on se déplace au quotidien, pour plus de « durabilité ». La voiture est aujourd’hui un objet technique très performant qui fera sans nul doute partie de la mobilité de demain, mais il faut en revoir radicalement l’usage, vers beaucoup plus de partage.

On peut partager le véhicule (remise en question de la propriété, vers des véhicules qui roulent 24h/24, comme des avions de compagnies aériennes) et/ou en partager les sièges, en covoiturant.

Avec ecov, nous voulons augmenter le domaine de pertinence du covoiturage, en allant vers les déplacements courts du quotidien. Cela nécessite d’envisager de nouveaux modes de mise en relation, à l’interface entre infrastructures et digital. La mission d’ecov est de rapidement identifier la “recette miracle”, et d’en permettre la diffusion massive à travers le monde une fois celle-ci trouvée.

TM : Tout comme Arnaud, ce qui me motive c’est d’avoir un impact sur l’avenir du monde, notamment son avenir environnemental et énergétique. En travaillant au sein d’acteurs publics, j’étais frustré d’une part de l’inertie, et d’autre part de constater qu’ils ne bénéficiaient pas ou peu de la dynamique d’innovation que l’on peut constater dans le secteur privé. Il fallait donc passer de l’autre côté de la barrière : être un acteur privé innovant pour proposer des solutions innovantes à l’acteur public.

- Quel sont vos objectifs en terme d’impact social ? quels sont vos indicateurs ?

TM : Nous voulons massifier le covoiturage local, le rendre aussi normal et naturel qu’un transport collectif. Nos impacts visés sont pluriels : désenclavement de territoire, accès à la mobilité de personnes en situation de précarité, accroissement du taux d’occupation des véhicules etc.

AB : Rendre plus performant le système de mobilité automobile dans sa globalité. A long terme le nombre de personnes que le système aura convaincu de renoncer à utiliser un véhicule particulier ainsi que le nombre de covoiturages quotidiens rendus possibles. A court terme la satisfaction des usagers.

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 Visite de Martine Pinville, secrétaire d’Etat chargée de l’économie sociale et solidaire

- ecov est une start-up de l’économie sociale et solidaire, agréée Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (ESUS) : pouvez-vous donner 3 mots pour définir l’économie sociale et solidaire ?

TM : Une économie qui pense le long terme. Une économie du bon sens. Une économie d’avenir.

AB : Réfléchie, locale, participative.

- Etes-vous en contact avec d’autres entrepreneurs sociaux, ou d’autres acteurs de l’ESS ?

TM : Nous avons des contacts ponctuels : nous sommes membres du MOUVES par exemple. Mais, du fait de notre activité, nous côtoyons principalement des acteurs de l’économie “mainstream”.

- Le covoiturage est un secteur concurrentiel, et tous les acteurs ne poursuivent pas un but d’intérêt général. En quoi ecov est différent ?

TM : Nous cherchons à rendre le service accessible à tous et en particulier dans les territoires périurbains et ruraux, qui sont ceux les plus dépendants de la voiture individuelle et à qui peu d’alternatives sont offertes à ce jour. Au-delà de ce que nous faisons, c’est pourquoi nous le faisons qui nous différencie : notre motivation n’est pas de nous faire racheter par Google ou Facebook, mais de résoudre un vrai enjeu de société.

AB : Notre intention fait en effet la différence. Dans l’exécution, nous nous démarquons par notre double conviction que la solution doit avoir une composante infrastructurelle, et que les pouvoirs publics doivent s’emparer du sujet.

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                                                                        L’équipe d’ecov

- L’ESS, c’est aussi une vision différente du management et des ressources humaines. Quelle est la philosophie, l’esprit managérial d’ecov ?

AB : Beaucoup d’ouverture et de transparence, le plus d’écoute possible (dans la limite de notre emploi du temps de plus en plus contraint). Mais aussi de l’empowerment, de la confiance, et de la responsabilisation.

TM : Notre approche est très souple et vise à responsabiliser chacun : nous disposons de peu de moyens pour ce que nous souhaitons faire, il faut donc que chacun soit moteur. Concrètement, nous acceptons très facilement le télétravail, des horaires flexibles… peut-être même un peu trop !

- En quoi cela diffère-t-il des organisations dans lesquelles vous avez travaillé auparavant ?

TM : Nous avons travaillé dans des structures très pyramidales, avec des process très lourds (3 semaines pour sortir une lettre !). Nous voulons éviter cela.

AB : Une hiérarchie moins visible que dans la Marine où j’ai fait mon stage de formation humaine et militaire au début de l’École Polytechnique ;-).

Pour le coup chez Carbone 4, boite de conseil en stratégie carbone dans laquelle j’ai commencé ma carrière, il y avait déjà cette logique de limiter la “verticalité” dans l’équipe, notamment avec les réunions d’équipe mensuelle qui prenaient une journée entière, avec un chouette déjeuner tous ensemble le midi.

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                                               Entretiens lors du speed-matching On Purpose

- Vous avez recruté régulièrement depuis la création de l’entreprise fin 2014 : ecov compte une quinzaine de collaborateurs à Paris et Lyon. Est-ce facile de trouver de bons candidats ?

TM : Clairement non ! Recruter est une des choses les plus difficiles pour un créateur d’entreprise. Il faut trouver les personnes compétentes pour un métier qu’on invente (et donc qu’on ne connaît pas encore), disponibles tout de suite ou presque, à la fois polyvalentes et avec des compétences spécifiques !…

AB : Le recrutement c’est plus de la chasse que de la cueillette ! Il faut savoir donner envie, connaître les bons canaux, savoir déceler les signaux faibles et se faire une idée rapidement, et enfin être dans le bon timing pour ne pas louper les bonnes opportunités ! Les jeunes recruteurs que nous sommes affutons nos outils. ecov a l’avantage de proposer une vision, une culture d’entreprise qui donnent envie de rejoindre l’aventure.

- Quels sont vos critères de recrutement principaux en terme de savoir-être ?

AB : Débrouillardise, autonomie, engagement/motivation.

TM : La motivation. Les valeurs sont fondamentales pour nous : il faut que l’objectif que l’on s’est donné soit partagé. L’engagement dans le travail est donc essentiel.

- Si vous deviez trouver un adjectif commun pour décrire l’ensemble de vos collaborateurs actuels, ce serait quoi ?

AB : Complémentaires

TM : Motivés !

- Pouvez-vous décrire l’environnement de travail des collaborateurs ?

TM : Nous avons des locaux à Paris dans une maison des start-up récente ouverte par Icade, ce qui nous permet d’avoir des locaux très agréables (espaces communs lumineux, salles de réunion, babyfoot et billard etc.).

AB : Permissif (télétravail autorisé), agréable (nous sommes chanceux d’avoir de si beaux locaux), parfois rude (quand on doit aller sur le terrain alors qu’il fait très froid voire qu’il neige !), à horaires variables (certains de nos développeurs préfèrent travailler la nuit pour ne pas être déconcentrés) !

- Prenons l’hypothèse suivante : vous atteignez vos objectifs de l’année 2017, tout se passe comme prévu ! Quelles seraient alors vos ambitions pour la suite ?

AB : Ouhla c’est top secret ça, à ne pas diffuser à nos concurrents !

Améliorer encore le parcours utilisateur et le business model. Augmenter nos rythmes de déploiement afin d’apporter des solutions partout où elles sont attendues.

TM : Notre ambition est de massifier la solution de covoiturage pour changer la donne en termes de transport. Cela nécessiterait de recruter, à Paris mais aussi dans des bureaux ailleurs en France. Peut être même qu’on commencerait à regarder hors de France !


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                                                            Une station ecov

- Question plus personnelle : que vouliez-vous faire quand vous étiez petits ?

TM : Quand j’étais vraiment petit, suivant les périodes : pompier, pilote d’hélicoptère, éthologue (scientifique du comportement des animaux dans leur milieu naturel… j’avais vu cela, ça semblait génial)…

AB : J’ai consulté la famille : lamaneur puis conducteur de camion poubelle (le sens du service public déjà !). Sinon je me rappelle avoir dit vouloir faire Président de la République (quelques années, pour réformer tous ces trucs qui dysfonctionnent !).

- D’où vient votre volonté d’entreprendre ?

AB : Le déclencheur a été le constat que les enjeux environnementaux appelaient des solutions rapides, et que ces dernières ne venaient pas. Entreprendre est la meilleure manière de voir ses idées et envies se concrétiser.

TM : Initialement, ce n’était pas dans mes projets ! Je voulais participer activement à la construction de politiques publiques pour la transition écologique, pas du tout appartenir au secteur privé. En exagérant à peine, l’entrepreneur a même été pour moi une personne avide de profits, égoïste avant toute chose, et ce forcément au détriment de l’intérêt général !…

- Et l’envie de changer les choses en mieux ?

TM : Avoir une influence sur l’avenir collectif, j’ai l’impression de l’avoir toujours voulu (depuis de très lointains souvenirs d’enfance). Je ne sais pas d’où cela vient, mon éducation et les valeurs de mes parents sûrement. A ce jour, la chose la plus importante pour moi professionnellement est d’avoir le sentiment d’influencer positivement l’orientation de la société pour la protection de l’environnement et pour la réduction des inégalités. Sans cela, je me sens inutile.

AB : Le déclencheur a été le constat pendant mes études que l’Homme malmène son environnement naturel, et que les conséquences risquent d’être dramatiques si nous n’agissons pas collectivement et vite.

- Pour finir, qu’avez-vous appris sur vous depuis le début de ce projet ?

TM : Énormément. Apprendre à développer un projet, à le porter sur l’ensemble de ses aspects (RH, financiers, clients, fournisseurs, acteurs tiers, administration etc.). Malgré les difficultés du quotidien, tout ce que j’ai appris et apprends encore me fait n’avoir aucun regret pour ce choix.
AB : Qu’apprendre des savoirs et des savoir-faire se faisait relativement bien seul, pour apprendre à savoir faire faire ça ne fonctionne plus !

Merci Arnaud et Thomas d’avoir répondu à mes questions avec franchise et authenticité !