La promotion Associés d’Avril 2017 a visité l’usine POCHECO

La promotion Associés d’Avril 2017 était en visite chez POCHECO le 15 décembre dernier, dans le Nord-Pas-de-Calais. Retour sur cette usine de production d’enveloppes, où la notion d’”écolonomie” guide l’ensemble des choix stratégiques, leur mise en oeuvre ainsi que la vie des équipes au quotidien. Pour ceux à qui l’article donnera envie d’en savoir plus sur cette entreprise, n’hésitez pas à (re)voir le film Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent !

Ecolonomie : Vivre autrement, Corinne Lepage — 2008

1_emJZLA2KJ8CnJoGwfxh5ew.png

POCHECO, c’est quoi ?

POCHECO est une usine de fabrication d’enveloppes et, marginalement, de pochettes et de sacs à soufflets. Elle emploie 127 personnes (dont 100 opérateurs postés) et fonctionne 24h/24, 6 à 7j/7. Avec un chiffre d’affaires de près de 20 millions d’euros, elle couvre 70% du marché des professionnels en France grâce à une production annuelle de 2.2 milliards de pièces par an.

Mais voilà, à l’heure de la dématérialisation, l’utilisation de l’enveloppe est menacée. Comment faire pour maintenir une centaine d’emplois lorsque le marché principal s’éteint lentement ?

C’est le défi que tentent de relever, chaque jour, de manière tout à fait inspirante, Emmanuel Druon, directeur général de POCHECO, et ses collègues.

Un peu d’histoire…

En 1997, Emmanuel Druon reprend les rennes de l’usine familiale. Il récupère une activité stable ; la qualité des produits et le bon relationnel avec les clients assurent un chiffre d’affaires régulier. Cependant, l’usine vit intérieurement une triple crise : économique, écologique et sociale.

Comme Emmanuel Druon le dit lui-même, “les salariés doivent alors faire face à une injonction paradoxale selon laquelle, s’ils veulent du travail, ils doivent accepter l’inacceptable”. “Pour moi, à l’époque, nous n’avions plus rien à perdre et nous avions, à l’inverse, la formidable opportunité de construire l’usine qui ressemblerait à nos rêves”.

Ayant connu lui-même des conditions antérieures de travail difficiles, il choisit alors d’entreprendre sans détruire. Pour cela, toutes les décisions concernant la gestion de la production, la vie et l’organisation du site comme des équipes sont passées au filtre de l’écolonomie et de ses trois piliers :

  • Prendre soin des Hommes (ie. réduction des risques et baisse de la pénibilité)
  • Prendre soin de la Terre (ie. baisse de l’impact environnemental et prévention des pollutions)
  • Partager les bénéfices (ie. amélioration de la productivité, développement des activités et encadrement des salaires de 1 à 4 SMIC)

Une démarche qui vise à satisfaire l’ensemble des employés. Car, pour Emmanuel Druon, tout le monde se reconnaît dans au moins un des piliers de l’écolonomie”.

Construire avec l’existant

Grâce à cette démarche et à ses choix, l’actuel directeur général de POCHECO redonne un nouveau souffle à cette usine. En effet, il doit aujourd’hui anticiper le futur déclin du marché de production d’enveloppes.

Afin de rester compétitif sur ce marché de plus en plus tendu, POCHECO fabrique elle-même les machines utilisées dans son processus de production et réalise la maintenance en interne. Le but ? Rester moderne, suivre les constantes évolutions du marché, pouvoir innover rapidement et faire monter en compétences les employés.

De plus, face à la baisse de son chiffre d’affaires sur le marché “enveloppes”, l’entreprise fait preuve d’une capacité à se diversifier sans cesse renouvelée. Objectif : sauver ses emplois grâce à de nouvelles activités. Ainsi :

  • Le bureau d’études OUVERT (chiffre d’affaires de 800 k€, 8 personnes), propose des missions de conseil en écolonomie, essentiellement auprès de collectivités locales et d’entreprises. A noter que ce bureau d’études a doublé à la fois son chiffre d’affaires et ses effectifs en un an
  • AGORA récupère le courrier de PME locales afin de massifier l’envoi et de leur faire bénéficier d’économies d’échelle (chiffre d’affaires de 2.4 M€)
  • FOL ESPOIR accueille des visiteurs et des séminaires d’entreprises au sein des locaux de POCHECO (chiffre d’affaires de 150 k€)
  • Un permaculteur a été embauché et un organisme de formation en permaculture créé ; une partie de la production de légumes est revendue à l’association les Paniers de Marianne et le reste est distribué aux employés
  • Des ruches ont été installées sur la toiture de l’usine et produisent 350 kilogrammes de miel par an.

Les idées ne manquent pas, dans cette petite ville en périphérie de Lille. D’autant plus que, dès que possible, les employés sont impliqués dans ces activités parallèles afin de se former sur de nouveaux domaines porteurs.

L’objectif final d’Emmanuel Druon : trouver un emploi pour chacun d’entre nous lorsque la société dans laquelle nous vivons n’aura plus besoin de nos enveloppes”.

Un exemple probant : POCHECO a investi dans des voitures de fonction électriques pour ses employés et a installé des bornes de recharge à l’usine. Préalablement formés et habilités, les employés sont désormais en mesure d’installer et d’assurer la maintenance de ces bornes électriques, notamment chez des clients du bureau d’études OUVERT.

Prendre soin des Hommes

Selon Emmanuel Druon, le succès des projets entrepris réside dans l’implication des collaborateurs et l’envie qu’ont les gens de contribuer au développement de l’entreprise.

Le dirigeant développe une approche qui combine les avancées technologiques et humaines. Sur un marché en constant changement, il considère qu’au-delà du bien de production, la plus grande richesse du site est l’humain: ce sont les femmes et hommes qui y travaillent tous les jours.

Pour Emmanuel Druon, chez POCHECO, “on ne pose pas son cerveau au vestiaire le matin. Il a choisi de valoriser l’intelligence collective. Les employés sont incités à proposer des solutions innovantes et sont consultés pour toute proposition de mise en place de solution.

Car chez POCHECO, l’organisation du travail est souple ; les employés jouissent d’une importante responsabilisation et autonomie. Le but recherché ? Que l’identification de référents et la coopération entre collègues s’opèrent naturellement.

Ainsi, le rapport au travail se veut apaisé, et ce d’autant que le rapport au salaire a été clarifié. Enfin, la relation à l’environnement, à la société et à l’autre est naturelle et solidaire, en harmonie avec nos valeurs selon les mots du dirigeant.

On l’aura compris, chez POCHECO, “on gère plus l’usine comme une maison que comme une entreprise. On essaie de faire en sorte que la brutalité reste en dehors de l’entreprise et que POCHECO soit un lieu où créativité, exigence et bienveillance se conjuguent. […] On prend soin des hommes”. Et pour le directeur général : “Prendre soin des Hommes, c’est prendre soin de la Terre”.

Alors concrètement, en matière écologique, ça donne quoi ?

Parmi les nombreuses innovations adoptées dans cette usine, voici une liste non exhaustive permettant d’apprécier l’étendue de la démarche écolonomique mise en oeuvre :

Côté process :

  • Prendre soin de la Terre, c’est “d’abord prendre soin de la forêt. Ainsi, la matière première est issue de déchets de scieries et de sylviculture et provient de forêts durablement gérées, où l’équilibre entre espèces est respecté. Les produits de POCHECO nécessitent un papier de haute qualité mécanographique, propriété qu’ils ont trouvée dans la matière finlandaise (pays d’ailleurs exemplaire dans la gestion de son écosystème naturel)
  • Les encres sont biodégradables, composées de pigments naturels, sans métaux lourds et nécessitent l’eau comme solvant. Un système de récupération et de réutilisation d’encre dans le process a également été mis en place
  • Le chauffage consommé pour les opérations de séchage est réutilisé pour le chauffage de l’usine (réduction de 25% de la consommation globale de chauffage)
  • La salle de pompes a été repositionnée au centre de l’usine afin de limiter les pertes de chaleur, et un système de récupération de chaleur a permis de ne plus du tout avoir besoin de gaz pour se chauffer
  • Le système de conditionnement a été repensé pour prendre moins de place, être plus résistant et plus maniable pour les opérateurs
  • Le bardage extérieur du bâtiment est en bois non traité, accueille une faune riche et est certifié par la LPO (Ligue Protectrice des Oiseaux)
  • L’isolation est en paille et les murs sont en bois et en terre crue. Les propriétés thermiques de ces matériaux ont engendré une réduction des consommations énergétiques de l’usine et permettent d’éviter les risques d’amiante
  • De nombreuses baies vitrées ont été installées à l’intérieur de l’usine pour se voir entre les services, favoriser la lumière naturelle et cultiver la convivialité
  • Le sol extérieur (anciennement occupé par une partie de l’usine avant optimisation de l’espace) a été désimperméabilisé et accueille maintenant des cultures de fruits et légumes
  • Un mandala de permaculture a été créé
  • Un mur végétalisé aide à garder la fraîcheur en été et la chaleur en hiver
  • 1400 m² de toiture photovoltaïque leur permet de produire 10% de leur consommation d’électricité (soit une économie de près de 200 000 € par an)
  • Le chauffage de l’usine est assuré à 100% par une chaudière fonctionnant à la palette de récupération
  • Des véhicules de fonction électriques ont été achetés et les équipes ont été remaniées en fonction des lieux d’habitation pour favoriser le covoiturage
  • Une station de phyto-épuration permet de diminuer de vingt fois la quantité de polluants dans les eaux rejetées
  • Une cuve de récupération d’eau de pluie leur assure l’autonomie en eau pour le process et les sanitaires

Côté site :

Objectif : réussir l’intégration paysagère et urbaine du site tout en en faisant la première ressource de l’entreprise.

Pocheco a prouvé sa capacité à innover et à construire un modèle adaptable, ce qui lui permet de financer ses projets.

Emmanuel Druon, en tant que propriétaire unique de l’entreprise, est autonome dans sa prise de décision. L’adoption d’une vision de long terme s’inscrit dans son “ADN de dirigeant”.

Enfin, en l’absence de dividendes, les bénéfices sont réinvestis chaque année dans le développement des activités du site. “Contrairement aux idées reçues, l’écologie n’est pas un sport de riches. L’écolonomie est un sport de pauvres. Or, nos entreprises sont encore trop riches.” affirme Emmanuel Druon.

S’il a conscience que la démarche écolonomique entreprise dans son usine a un impact limité , “tant (POCHECO est) microscopique”, il est convaincu que “si les collègues en bénéficient, alors c’est déjà une victoire. Et puis, si chacun fait sa part, alors on arrivera enfin à repenser notre manière de travailler”.

Quel avenir pour cette boîte à idées ?

Quant il s’agit de réfléchir au futur de POCHECO, les idées sont nombreuses ; pour n’en citer que quelques unes :

  • Etre autonome en énergie
  • Installer des éoliennes à proximité du site
  • Passer du transport par camion au transport par train (et par bateau à voiles pour le Royaume-Uni)
  • Ouvrir un “repair café” grâce à toutes les compétences techniques acquises par les employés
  • Investiguer de nouveaux marchés comme celui des sacs à pain ou des pochettes de pharmacie

Plus généralement, lorsque le marché de l’enveloppe ne pourra plus les accueillir, l’idée de devenir un laboratoire de l’écolonomie pour des plus grandes boîtes les satisferaient grandement… Affaire à suivre !

Revivez notre visite en vidéo ici