Le supermarché coopératif, un contre-modèle crédible à la grande distribution ?
Bienvenue dans la troisième partie d’une saga en 4 épisodes qui va nous faire rentrer dans l’univers concret des supermarchés coopératifs. Pour lire le premier volet, c’est ici !
Face aux difficultés économiques rencontrées par les agriculteurs et agricultrices français.es en grande partie dues à l’écrasement de leurs marges par la grande distribution, le principe de juste rémunération des fournisseurs au cœur du supermarché coopératif semble être une réponse adaptée. Mais ce concept qui a fait son apparition en France il y a moins de 10 ans et qui inspire déjà des dizaines d’initiatives en France et en Europe peut-il représenter, à terme, un contre modèle crédible à la grande distribution ? Verrons-nous des supermarchés coopératifs essaimer et prospérer dans les années à venir ?
En théorie, le concept est prometteur. Parce qu’il propose un rapport qualité prix très avantageux et un éventail très large de produits, le supermarché coopératif peut toucher une cible dépassant largement les traditionnels “bobos écolos” d’ordinaire seuls clients de ce type de commerce alternatif. Si l’on ajoute à cela la progression de la conscience écologique chez les Français.es et l’attention scrupuleuse qu’ils portent à la qualité des produits qu’ils consomment — l’application mobile Yuka qui permet de savoir si un produit est trop sucré ou trop salé compte plus de 10 millions d’utilisateurs — il semble que le supermarché coopératif puisse prétendre à un développement rapide.
En pratique, le potentiel du modèle semble vérifié. Lorsque le projet de la Louve a débuté il y a 7 ans, le concept de supermarché coopératif était tout nouveau en France et en Europe. Depuis, il a fait des petits. Il y a trois ans, 10 projets étaient en cours, aujourd’hui on en décompte 80 sur le territoire (dont 3 à Paris) et d’autres encore dans des capitales européennes comme à Bruxelles. En atteignant l’équilibre financier il y a deux ans avec son supermarché de 1500 mètres carrés, La Louvre a démontré la viabilité économique du concept et sa capacité à dépasser le stade d’épicerie ou de petit supermarché. Une première pour un modèle alternatif à la grande distribution classique.
Tout cela est très encourageant mais la route est encore longue avant que le supermarché coopératif ne représente un contre modèle sérieux. Il semble déjà important de préciser que depuis la création de la Park Slope Food Coop en 1973 à Brooklyn, aucun autre supermarché coopératif n’est parvenu à perdurer aux États-Unis. L’une des raisons serait à trouver dans l’absence de soutien des banques et des pouvoirs publics américains. En France, les pouvoirs publics représentent plutôt des alliés. La Louve a, par exemple, obtenu l’aide de la mairie de Paris pour obtenir son emplacement. Le financement ne semble, quant à lui, plus présenter un problème depuis que la Louve a prouvé la viabilité économique du modèle.
Par ailleurs, pour être économiquement viable, un supermarché coopératif doit être lancé dans des emplacements respectant certaines conditions. L’une d’entre elle est d’être au centre d’une zone urbaine densément peuplée. En effet, pour fidéliser ses coopérateurs, un supermarché coopératif se doit d’être suffisamment grand pour leur éviter d’avoir à faire leurs courses ailleurs. Pour rembourser les investissements induits par cette contrainte, il est nécessaire d’atteindre un nombre de coopérateurs significatif rapidement. Or, la conversion des habitants vivant autour du supermarché en coopérateurs est assez lente lors des premières années. Il est donc nécessaire de l’implanter au milieu d’un bassin de population important.
Cet article a également été rédigé de manière coopérative par les Associés des promotions d’avril et octobre 2019 du Programme Associé : Alice, Audrey, Eliott, Marie et Olivier. Pour lire le 4e et dernier épisode c’est par ici !